Justice Fiscal

COVID-19 : LA JUSTICE FISCALE RAPPELÉE PAR LA PANDÉMIE

La pandémie Covid-19 a dévoilé au grand jour les inégalités sociales trop flagrantes entre les différentes tranches de la population. Elle a mis à nu l’iniquité fiscale pendant longtemps décriée.

La crise sanitaire Covid-19 a fait ressurgir un point essentiel qui jadis était sujet à débat :  les citoyens ont besoin d’un Etat fort à même de les protéger aussi bien sur le plan économique que social. C’est ainsi que nous assistons de par le monde au retour en force de l’Etat Providence pourtant si décrié au cours des trente dernières années.

Dans ces conditions des plus difficiles, d’une main de maître, l’Etat marocain a été au rendez-vous et a su gérer les effets dévastateurs de cette pandémie en évitant toutes sortes de violences et dérapages. Cela lui a valu certes des félicitations à l’échelle internationale, mais il ne faut surtout pas perdre de vue que la pandémie Covid-19 doit nous amener à définir de nouveaux critères de prises de décision.

Les inégalités mises à nu

Inutile de rappeler que cette pandémie Covid-19 a dévoilé au grand jour les inégalités sociales trop criardes entre les différentes tranches de la population. Elle a mis à nu la pauvreté stridente dans laquelle se débat chaque jour une frange importante de nos concitoyens. Ce sont près de 12 millions de personnes qui sont inactives ou au chômage. 11 millions d’actifs occupent selon le HCP des emplois précaires. Des chiffres qui en disent long sur la vulnérabilité de cette population.

C’est pour dire que de cette crise, les pouvoirs publics doivent tirer les enseignements nécessaires et sortir avec des résolutions importantes, d’autant plus que le Maroc est en quête de revoir son modèle de développement. Des résolutions, il y en a plusieurs devant se rapporter à l’absence de l’autonomie, à la défaillance du système sanitaire, aux dysfonctionnements dont pâtit l’éducation… qui, faut-il reconnaître, ont duré et perduré dans le temps.

La LF 2020 maigre en dispositions

Toutefois, il y aussi un autre volet qui mérite une attention particulière notamment celui de la justice fiscale. Les dernières Assises de la fiscalité étaient un moment fort pour prendre les dispositions nécessaires à même d’assurer une équité fiscale entre les différents agents économiques. Les dix principales recommandations ayant émané se traduisent par la loi cadre 2020-2024.

2020 est la première année de la loi cadre, devant être une année charnière marquée par l’application des premières mesures en faveur de l’équité dans la Loi de Finances. Or, dans la LF 2020, aucune mesure n’est à relever sauf celle de la normalisation des régimes préférentiels appliqués à l’export aux ZFE et à la CFC. Une disposition qui répond aux diktats de l’OCDE (sortir de la zone grise) et pour redorer  notre blason à l’étranger. Mais à quel prix ?

Pour une justice fiscale

A notre sens, cette pandémie Covid-19 doit conduire à des changements substantiels voire profonds dans notre politique économique voire fiscale. Comme l’a si bien expliqué Tarik El Malki  dans son dernier ouvrage où il préconise une véritable réforme fiscale, un «  choc fiscal » fort avec comme objectif de financer d’un coté, l’augmentation des dépenses dans des secteurs sociaux clés (éducation et santé notamment) et de l’autre, financer la protection et la couverture sociales pour les plus démunis à travers de nouveaux instruments financiers. Il appelle même à une vraie progressivité fiscale sur les hauts revenus, sur le patrimoine et sur l’héritage, afin qu’il n’y ait plus ce sentiment d’impunité et d’iniquité fiscales, et que chacun participe à l’effort fiscal national en fonction de ses revenus réels et ce dans le strict respect de la constitution de 2011. Un impôt sur la fortune est dans ce contexte à méditer. Sous d’autres cieux, on parle même d’un impôt de guerre.

Qu’on veuille l’admettre ou non, le  Maroc reste le pays le plus inégalitaire du Nord de l’Afrique et dans la moitié la plus inégalitaire des pays de la planète. « En 2018, trois milliardaires marocains les plus riches détenaient à eux seuls 4,5 milliards de dollars, soit 44 milliards de dirhams. L’augmentation de leur fortune en un an représente autant que la consommation de 375.000 Marocain·e·s parmi les plus pauvres sur la même période », alerte Oxfam dans son dernier rapport.

La réforme fiscale doit être l’une des réponses aux questionnements du modèle de développement actuel en ce sens qu’elle deviendra un véritable instrument de justice sociale et de répartition équitable des richesses. « Cette réforme globale et ambitieuse doit avoir comme objectifs de défendre le pouvoir d’achat des ménages et des classes moyennes qui ont été laminées ces dernières années, de soutenir également la compétitivité des TPE et PME, et de financer la généralisation de la protection sociale pour tous », explique T. El Malki. Selon certaines estimations, ce sont plusieurs dizaines de milliards de DH supplémentaires qui peuvent être injectées dans les caisses de l’Etat annuellement. Il s’agit d’une manne financière substantielle. Il reviendra à l’Etat d’en faire une bonne allocation.

Faute de prendre le taureau par les cornes et adopter des mesures à même de réduire les inégalités, celles-ci ne pourraient que s’accroître davantage suite à cette pandémie. Très souvent, les hauts patrimoines voient leur richesse se reconstruire vite. C’est le cas notamment au lendemain de la crise de 2008. Les pauvres, après la crise Covid-19, le seront encore plus sans oublier la classe moyenne qui risque de basculer dans la pauvreté. A ce titre, l’Etat est appelé à mettre en œuvre l’ensemble des dispositifs en faveur de l’inclusion sociale (crowfunding ou financement collaboratif, programme Intelaka, protection sociale…). Et cela n’arrivera pas avec des décisions timides mais fortes et audacieuses.

Source : www.ecoactu.ma

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